Croyez-le ou non - je ne le croyais pas - mais des conflits récurrents peuvent survenir entre un parent et son enfant au sujet… de jus d’ananas. Alors allons-y, puisque les conflits les plus complexes ont peu de chance d’être réglés tant que des conflits plus simples ne le sont pas.
L’exemple qui suit montre une expérimentation personnelle de la médiation de conflit telle que Thomas Gordon en a détaillé le déroulement. Longtemps, j’ai eu peur de ne pas être capable de “coller” entièrement au processus. C’est ce qui m’a longtemps retenu de l’investir. Avec cet exemple, je me lance à nouveau pour revivre les étapes de la médiation et encore gagner en aisance, tout en ayant conscience de mes imperfections et de mon désir d’y parvenir plus facilement. Plouf !
Situons le contexte.
Mon mari joue au foot tous les jeudis avec ses collègues de travail. Pour l’occasion, il se concocte chaque semaine une mixture à base de jus d’ananas et de purée de bananes lui assurant une forme olympique le moment venu (parole d’athlète !) Selon la recette de sa potion magique, il en consomme 1 litre toutes les 3 semaines, pour une dépense qui lui convient (5€ le litre).
Cette perspective le satisferait pleinement s’il était le seul de la famille à convoiter le jus d’ananas. Seulement voilà : Notre fils de 8 ans ne laisse pas de place à l'ambiguïté lorsqu’il s’exprime à la vue d’une bouteille de jus d’ananas : “Ouh ! C’est bon, c’est bon, c’est bon !” Et la bouteille se vide en 24 heures. Il s'ensuit une scène de dispute entre eux deux dont je vous épargne les détails.
Dans un premier temps, je me dis que le problème leur appartient et décide de ne pas intervenir, leur laissant une chance de s’entendre par eux-mêmes. Le temps passe et le scénario se répète… Cette situation me laisse à la fois consternée “Non mais c’est pas possible !” et perplexe : “Dois-je vraiment continuer à me taire ?”
La médiation
Parmi les outils de communication que propose Thomas Gordon figure celui du parent-médiateur d’un conflit entre deux enfants. Le concept peut être élargi à un conflit entre un père et son fils. Dans l’idéal, mieux vaut recourir aux outils Gordon en un moment calme. Dans les faits, j’ai senti la tension monter entre eux deux. Au lieu de laisser l’exaspération me saisir à la perspective d’un nouveau conflit entre eux, me voilà lancée à improviser une séance de médiation.
Étape 0 : J’annonce mon attachement à ce qu’ils se sentent bien l’un et l’autre au sujet de la bouteille de jus d’ananas. “Pour une ambiance légère à la maison ! 🙂”
Étape 1: Le problème n’est pas difficile à définir : le non-partage du jus d’ananas pour le père et la consommation excessive de jus d’ananas pour le fils
Étape 2 : L’écoute active de l’un comme de l’autre détend l’atmosphère et leur permet progressivement d’y voir plus clair :
Le père exprime son double-souci d’ingérer une boisson énergisante avant un match de foot et de maîtriser ses dépenses courantes du budget familial.
Le fils, gourmand, exprime son besoin incompressible de satisfaire ses papilles d’une boisson “Miam si délicieuse !” Il souhaiterait qu’on en achète chaque semaine.
Étape 3 : Existe-t-il des solutions satisfaisantes aux deux à la fois ?
_ “Bien-sûr !
_ Allez-vous parvenir à les trouver ensemble ?
_ Évidemment ! Vous avez déjà réussi à vous entendre sur d’autres problèmes. Pour le jus d’ananas, vous allez y arriver aussi. J’ai confiance !”
L’atmosphère continue à se détendre.
Une série d’options possibles est évoquée. En théorie, ils devraient s’abstenir d’évaluer les solutions proposées au moment où elles sont évoquées et attendre l’étape suivante pour le faire. Mais pris dans le vécu de l’expérience, ils parviennent difficilement à se taire le moment venu. Tant bien que mal, ils sont parvenus à dégager une issue qui convienne à chacun d’eux.
Étapes 4 & 5 : La solution retenue est d’acheter une bouteille de jus d’ananas tous les 15 jours, de la compléter par une bouteille de jus de raisin ou multifruit, d’un prix plus abordable. Par ailleurs, il est convenu que le père prélève la moitié de la bouteille dès son ouverture, laissant à notre enfant la liberté de boire l’autre moitié à sa convenance. Mon mari envisage également l’achat pour lui d’une autre boisson énergisante moins sujette aux convoitises de notre bambin.
Au terme de ce temps d’échange, je leur demande :
_ “Alors c’est bon ? Vous “checkez” comme une équipe ?
_ Ouiii !”
Et en mon for intérieur :
_ “Oufff…”
Étape 6 : Cela fait plusieurs semaines qu’ils se tiennent à cette solution. Je leur ai demandé si l'accord trouvé leur convenait toujours.
Oui pour le père.
Mon fils, lui, suit le calendrier de l’achat de la bouteille de jus d’ananas avec beaucoup d’attention et le fait d’en consommer moins qu’avant l’a fait râler les premiers temps.
J’ai vraiment été touchée de l’entendre dire sa satisfaction d’avoir été inclus dans la boucle et d’avoir participé à résoudre ce conflit avec son père.
Voilà. Avant d’avoir découvert la méthode gagnant-gagnant, je me sentais démunie. Aujourd’hui, je me rends compte que cet outil Gordon fonctionne même lorsqu’il est appliqué plus ou moins bien. Je ne regrette pas d’avoir sauté à l’eau. Savoir nager en eaux troubles, ça change la vie !
Formatrice Gordon accréditée Parents Efficaces
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